Atteintes à la protection de la vie privée des enfants : Une enquête sur TikTok menée par les autorités fédérales et provinciales marque une étape importante vers la responsabilisation des entreprises de technologie au Canada
Lianna McDonald, directrice générale, Centre canadien de protection de l’enfance
La semaine dernière, une enquête conjointe publiée par le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada et trois autorités provinciales de protection de la vie privée a révélé que TikTok, une plateforme de médias sociaux populaire comptant plus de 14 millions d’utilisateurs au Canada, a enfreint les lois fédérales et provinciales sur la protection de la vie privée, en particulier pour ce qui est des enfants qui utilisent ses services en ligne.
Ce constat crée un précédent important et offre par-dessus tout un bel exemple de collaboration entre les différents ordres de gouvernement au Canada pour renforcer la sécurité des enfants sur Internet. Cette initiative conjointe illustre la capacité des institutions publiques à utiliser les pouvoirs dont elles sont investies pour protéger les enfants dans les espaces numériques. Les lois sur la protection des consommateurs, la protection de la vie privée et la protection de l’enfance, en particulier, sont des leviers potentiellement efficaces pour susciter des changements. Rappelons toutefois que les lois sur la protection de la vie privée ne sauraient se substituer aux lois-cadres sur la sécurité en ligne dont nous avons grand besoin; elles viennent plutôt en complément.
Parmi les principaux constats, les autorités de protection de la vie privée ont déterminé que TikTok :
- met en œuvre des outils « en grande partie inefficaces » pour empêcher les enfants de moins de 13 ans (14 ans au Québec) d’utiliser sa plateforme, comme l’interdisent ses propres conditions d’utilisation;
- utilise des outils d’analyse sophistiqués pour estimer l’âge des utilisateurs à des fins commerciales, mais n’en fait pas autant pour empêcher les utilisateurs n’ayant pas l’âge minimum requis d’accéder à sa plateforme;
- collecte et utilise des renseignements personnels d’enfants pour aucun motif légitime et à des fins inappropriées;
- n’a pas su expliquer adéquatement pourquoi elle collecte et utilise des données biométriques d’enfants dans le cadre de ses analyses d’images et d’enregistrements audio et vidéo;
- ne fait pas en sorte que les paramètres de confidentialité par défaut de son produit technologique offrent le niveau de confidentialité maximal.
À la suite de cette enquête, TikTok s’est engagée à prendre diverses mesures importantes pour protéger la vie privée des enfants, dont la mise en œuvre de mécanismes efficaces de contrôle de l’âge, la révision des paramètres de confidentialité par défaut ainsi que la modification de son modèle publicitaire pour empêcher le ciblage de personnes mineures, sauf pour les publicités fondées sur des caractéristiques génériques comme la langue et l’emplacement approximatif.
Nous félicitons le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada ainsi que les commissaires du Québec, de la Colombie-Britannique et de l’Alberta pour cette enquête approfondie sur les atteintes à la vie privée par TikTok. Il est permis de croire que des enquêtes aussi approfondies sur d’autres plateformes grand public aboutiraient vraisemblablement à des constats similaires.
Les enfants sont particulièrement vulnérables dans l’espace numérique et doivent être mieux protégés. En l’occurrence, nous ne pouvons tout simplement pas laisser les services en ligne, dans leur quête effrénée de profit, exploiter l’attention des enfants canadiens. Nous saluons l’engagement de TikTok à améliorer ses pratiques, mais cet engagement doit être suivi par des gestes concrets et faire l’objet d’un suivi adéquat.
Puissions-nous voir ici le début d’un mouvement plus large pour la protection de la vie privée et la sécurité des enfants sur Internet.