De « pornographie juvénile » à « matériel d’abus et d’exploitation pédosexuels » : Pourquoi ce changement de terme dans les lois fédérales marque une étape importante pour les survivant·es
Lianna McDonald, directrice générale, Centre canadien de protection de l’enfance
Depuis plus de 30 ans, les lois fédérales canadiennes utilisent le terme « pornographie juvénile » pour désigner des images qui montrent en fait des scènes horribles d’exploitation et de violences sexuelles contre des enfants.
À partir d’aujourd’hui, c’est chose du passé.
L’expression « matériel d’abus et d’exploitation pédosexuels » (ou « MAEP », dans sa forme abrégée) remplacera désormais officiellement l’ancien terme dans plusieurs lois fédérales. Ce changement était attendu depuis longtemps.
Le projet de loi C-291, déposé en 2023, fait en sorte que le vocabulaire de nos lois décrira enfin plus exactement les abus et l’exploitation que les délinquants font subir aux victimes et aux survivant·es d’exploitation et d’abus pédosexuels. Ce projet de loi avait été adopté en octobre dernier, mais c’est aujourd’hui qu’il entre en vigueur.
Notre organisation réclamait publiquement ce changement terminologique depuis 2016. Mais avant même cette date, notre équipe reconnaissait le caractère problématique du terme original. Nous l’utilisions à contrecœur dans des contextes juridiques souvent restreints, mais, dans nos textes généraux, nos mémoires au gouvernement et nos documents internes, nous avions adopté depuis longtemps le terme qui a cours désormais.
Les mots sont importants, car ils façonnent les perceptions
Le terme « pornographie » n’a pas grand-chose à voir avec des photos et des vidéos d’enfants exploités sexuellement ou pire : victimes d’abus horribles. Cet usage du terme minimisait depuis longtemps les abus dont il s’agit, et il était grand temps que ça cesse.
Le terme « pornographie » confère à ces images un certain degré d’agentivité, de consentement, de complicité, voire de légitimité. Or, ces images ne constituent pas du matériel pornographique, mais plutôt des éléments de preuve associés à une scène de crime. Elles portent aussi la trace ineffaçable d’un abus sexuel et peuvent engendrer un traumatisme permanent.
Les mots sont importants.
Ils ont le pouvoir d’influencer notre perception du crime et sa prise en charge par les différents systèmes – forces policières, tribunaux, pouvoirs publics, médias... Il nous appartient à tous de faire des choix intentionnels, éclairés et sincères dans notre manière de dire les choses.
Maintenant qu’Ottawa a procédé à ces changements importants, nous espérons que ce précédent incitera les gouvernements provinciaux à prendre des mesures similaires et à corriger la terminologie qu’ils utilisent dans leurs lois et règlements respectifs.