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Examen préliminaire du projet de loi 35


Pour publication immédiate

Le 14 mars 2023, le ministère de l’Éducation du Manitoba a annoncé le projet de loi 35, Loi modifiant la Loi sur l’administration scolaire (brevets d’enseignement et conduite professionnelle). Le CCPE présente ici les points saillants de son examen préliminaire du projet de loi.

Comment ce projet de loi protège-t-il les enfants de manière proactive?

Tout système de surveillance d’une profession, y compris la profession enseignante, vise à protéger le public. Ce projet de loi contribue à mettre en place une procédure plus ouverte, plus transparente et plus accessible à toute la population du Manitoba. Il offre à toute personne qui s’inquiète de la conduite d’un·e enseignant·e un mécanisme de signalement accessible et ouvert, de sorte que ses inquiétudes puissent être traitées selon une procédure plus officielle.

Aucun obstacle ne doit s’opposer au signalement ou au dévoilement d’un abus. Le système actuel peut s’avérer inaccessible, déroutant et complexe pour le public, empêchant parfois le signalement ou la détection de certains problèmes. Un système transparent et accessible devrait faire en sorte de réduire les obstacles et de garantir un traitement équitable de tous les dossiers. C’est ce qui assurera, au bout du compte, la protection des enfants.

Il suffit d’examiner certains exemples (plusieurs sont cités dans nos études1), dont le plus récent est celui de l’entraîneur de football d’une école secondaire de Winnipeg, Kelsey McKay, accusé de multiples infractions sexuelles contre des enfants. Plus de dix plaintes ont été déposées à l’encontre de cet entraîneur, qui fait maintenant face à une trentaine d’accusations pour des infractions criminelles remontant aux années 1990. Ces plaintes se retrouvent maintenant devant les tribunaux2.

Des procédures aussi transparentes n’empêcheront pas toujours l’abus d’un premier enfant par un·e enseignant·e, mais elles permettront d’éviter que d’autres enfants connaissent le même sort.

Les articles 8.29(2) et 8.14(4) du projet de loi permettent respectivement au commissaire (dans le cadre de son enquête) ou à un comité (lorsqu’il doit prendre une décision) de tenir compte des éléments suivants :

  • (a) toute décision de ne prendre aucune autre mesure à la suite d’un examen préliminaire en vertu de l’article 8.12;
  • (b) les enquêtes menées au titre du présent article;
  • (c) les ententes précédentes de règlement par consentement en vertu de l’article 8.20;
  • (d) les décisions prises en vertu du paragraphe 8.29(1) et les ordonnances rendues en vertu de l’article 8.30;
  • (e) les mesures disciplinaires prises sous le régime de la présente loi avant l’entrée en vigueur du présent article.

Le commissaire peut donc, à notre avis, prendre en considération toutes les autres plaintes dont un·e enseignant·e a pu faire l’objet précédemment. Cela peut permettre de déceler des dynamiques comportementales suspectes et de mettre un terme à une situation inappropriée avant qu’elle ne s’aggrave, ou encore de désamorcer un abus.

La grande majorité des enseignant·es ne présentent aucun danger pour les enfants. Comme d’autres environnements où il y a des enfants, le milieu scolaire est lui aussi susceptible d’attirer des personnes ayant des attirances sexuelles pour les enfants. En l’absence de procédures ouvertes et transparentes, ces personnes peuvent passer sous le radar. Nous estimons que le projet de loi 35 ouvre la voie à une procédure plus ouverte qui, espérons-nous, permettra d’empêcher ces personnes d’exploiter ou d’abuser des enfants et/ou de désamorcer des abus le plus rapidement possible.

Comment le projet de loi garantit-il le principe de l’application régulière de la loi et l’équité?

Dans sa forme actuelle, le système de surveillance de la profession enseignante est opaque, ambigu pour le public et géré en grande partie à huis clos. Le projet de loi 35 établit les paramètres d’une procédure plus ouverte pour traiter les plaintes de manière équitable et rigoureuse. Les détails concernant les plaintes, les enquêtes et le processus disciplinaire seront rendus accessibles au public ainsi qu’à tous les membres du personnel enseignant.

En cas de plainte du public ou de signalement de l’employeur au commissaire, le projet de loi envisage un processus d’examen préliminaire, une procédure d’enquête et une procédure par laquelle l’enseignant·e peut conclure un accord de règlement par consentement – moyennant le consentement de toutes les parties (y compris l’enseignant); la tenue d’audiences est également prévue, s’il y a lieu (voir la partie 3 du projet de loi). Le projet de loi permet aussi au commissaire, à plusieurs endroits, de décider de ne prendre aucune autre mesure à l’égard d’une plainte ou d’un signalement s’il le juge opportun; voir art. 8.12(1) et art. 8.19(1). Cette procédure garantit un traitement équitable des plaintes. Elle cadre aussi avec les régimes réglementaires en vigueur dans d’autres professions et dans d’autres provinces où le processus disciplinaire de la profession enseignante est plus ouvert.

En vertu de l’article 8.35(1) du projet de loi, l’enseignant·e concerné·e et le commissaire peuvent interjeter appel auprès du tribunal de toute décision prise par un comité. Conformément à l’article 8.35(3), lorsqu’il entend un appel, le tribunal peut le rejeter, rendre la décision que le comité aurait dû rendre selon lui ou saisir un comité de la question. Une grande partie des procédures énoncées dans le projet de loi semble viser à protéger l’enseignant·e et ses intérêts, afin de garantir le principe de l’application régulière de la loi. Le projet de loi s’aligne en outre sur la structure de réglementation de la profession enseignante en vigueur dans de nombreuses autres provinces (BC, AB, SK, ON).

Comment le projet de loi traite-t-il les plaintes frivoles, insignifiantes ou malveillantes?

L’article 8.11 du projet de loi stipule que le commissaire, lorsqu’il reçoit une plainte ou un signalement, doit procéder à un examen préliminaire des faits. L’article 8.12(1) permet au commissaire de décider rapidement de ne prendre aucune autre mesure relativement à une ou à plusieurs questions soulevées dans une plainte ou un signalement s’il établit qu’un des critères qui suivent s’applique :

  • (a) la question ne relève ni de sa compétence ni de celle des comités;
  • (b) la question est frivole, vexatoire ou insignifiante ou constitue un recours abusif;
  • (c) le but ou le motif de la plainte ou du signalement est inapproprié ou la plainte ou le signalement ont été faits de mauvaise foi;
  • (d) il n’est pas raisonnable de conclure que la plainte ou le signalement pourrait donner lieu à une décision du comité qui irait à l’encontre de l’enseignant concerné;
  • (e) il ne serait pas dans l’intérêt public qu’il prenne une telle mesure;
  • (f) la question n’a pas été soulevée en temps opportun.

L’article 8.19(1), qui s’applique après la conclusion d’une enquête, stipule aussi que le commissaire peut décider de ne prendre aucune autre mesure relativement à une ou à plusieurs questions liées à l’enquête s’il estime qu’un des critères ci-dessus (a-f) s’applique.

Ces deux dispositions prévoient des protections explicites pour les enseignants afin d’éviter les plaintes frivoles, insignifiantes ou malveillantes (faites de mauvaise foi).

Pour illustrer comment cela peut fonctionner dans la pratique, rappelons qu’en 2021-2022, le Commissioner for Teacher Regulation de la Colombie-Britannique a rapporté les faits suivants3 :

  • 69 % des dossiers se rapportaient à des signalements de la part d’employeurs, 25 % se rapportaient à des plaintes du public, et 6 % étaient des enquêtes menées à l’initiative du commissaire. De ces dossiers :
    • 93 (38 %) ont été rejetés après examen préliminaire;
    • 120 (50 %) ont été résolus sans que d’autres mesures soient prises à la suite d’une enquête ou d’autres procédures;
    • 28 (12 %) ont été résolus au moyen d’une entente de règlement par consentement;
    • un seul a donné lieu à une audience ce qui représente moins de 1 % des dossiers.

Étant donné que les attributions du Commissioner for Teacher Regulation de la Colombie-Britannique et la portée de son mandat ressemblent beaucoup à ce que le projet de loi 35 propose pour le Manitoba, on s’attendrait à retrouver des dispositions similaires dans la loi manitobaine.

Comment l’« inconduite professionnelle » est-elle définie dans ce projet de loi?

L’inconduite professionnelle est définie à l’article 8.1 du projet de loi comme suit :

  • Comportement d’un enseignant le rendant inapte à agir à ce titre, y compris :
    • (a) tout acte de sa part qui fait subir à un élève ou à un enfant à sa charge ou sous sa supervision, selon le cas :
      • (i) des mauvais traitements, ou de l’exploitation, de nature sexuelle,
      • (ii) une inconduite sexuelle,
      • (iii) un préjudice physique,
      • (iv) un préjudice émotif important;
    • (b) tout acte interdit au titre de l’article 163.1 du Code criminel (Canada);
    • (c) toute conduite que les règlements érigent en inconduite professionnelle.

Nous estimons qu’un·e enseignant·e qui commet, à l’encontre d’un·e élève ou d’un·e autre enfant à sa charge ou sous sa supervision, un acte qui constituerait des mauvais traitements ou de l’exploitation de nature sexuelle, une inconduite sexuelle, un préjudice physique ou un préjudice émotif important ou une infraction se rapportant à des images d’abus pédosexuels devrait assurément être considéré·e coupable d’inconduite professionnelle. À la vérité, nous estimons que la portée de ce qui précède doit être élargie pour inclure tout enfant, car les enseignant·es sont souvent appelés à interagir avec des enfants qui ne sont pas à leur charge ou sous leur supervision, par exemple un élève d’une autre classe. Nous sommes d’avis que la commission de n’importe lequel de ces actes interdits à l’encontre d’un·e enfant rendrait un·e enseignant·e inapte à agir à ce titre, ce qui constitue le principe fondamental de la définition.

Si la tenue d’une audience disciplinaire est jugée nécessaire, qui siégera au sein du comité?

Le projet de loi stipule que si un dossier disciplinaire ne se solde pas par un classement sans suite ou par une entente de règlement par consentement4, un comité sera saisi de la question.

Selon l’article 8.8(1 et 2) du projet de loi, le ministre établira la liste des membres des comités en nommant les personnes pouvant agir à ce titre. Cette liste comportera :

  1. a) quatre enseignants, soit trois enseignants désignés par l’Association des enseignants du Manitoba et un enseignant dans une école indépendante;
  2. b) quatre personnes désignées par l’Association des commissions scolaires du Manitoba;
  3. c) quatre représentants du public qui n’ont jamais été enseignants.

Dès lors que l’affaire doit être entendue et qu’un comité est constitué pour prendre des décisions et rendre des ordonnances, l’article 8.24(1-3) du projet de loi stipule que le commissaire créera un comité composé de trois membres figurant sur la liste, à savoir :

  1. a) un enseignant;
  2. b) une personne désignée par l’Association des commissions scolaires du Manitoba;
  3. c) un représentant du public.

Quel rapport y a-t-il entre la compétence professionnelle et la protection des enfants?

L’inconduite professionnelle se rapporte à tout comportement d’un enseignant le rendant inapte à agir à ce titre. Il peut s’agir autant de formes d’abus que de questions de compétence. Cette situation n’est pas rare; par exemple, le Commissioner for Teacher Regulation de la Colombie-Britannique accepte aussi les signalements se rapportant à la conduite ou à la compétence d’un·e enseignant·e5.

Les organismes de réglementation ont généralement pour mission de protéger l’intérêt public en veillant à ce que les membres de la profession s’acquittent de toutes leurs obligations professionnelles de manière responsable. Par exemple, la Société du Barreau du Manitoba traite aussi de questions d’inconduite ou de compétence et reçoit les plaintes déposées à l’encontre de tout avocat du Manitoba.

  1. 1 Voir Centre canadien de protection de l’enfance, Abus sexuels et violences sexuelles contre des enfants par le personnel des écoles primaires et secondaires au Canada (2017), version actualisée (2022), en ligne : https://www.protegeonsnosenfants.ca/fr/ressources-et-recherche/rapport-ecoles/ [Rapport 2022], voir également : https://www.protegeonsnosenfants.ca/fr/ressources-et-recherche/abus-pedosexuels-personnel-ecoles/ [Rapport 2017].
  2. 2 CBC News, « Winnipeg high school football coach accused of sexual abuse charged with 6 new offences » (14 octobre 2022) CBC News (page Web), en ligne : https://www.cbc.ca/news/canada/manitoba/kelsey-mckay-coach-teacher-sexual-abuse-new-charges-1.6616535.
  3. 3 Pour un complément d’information sur le Commissioner for Teacher Regulation de la Colombie-Britannique et pour consulter les données de 2021-2022, voir : https://www2.gov.bc.ca/assets/gov/british-columbians-our-governments/organizational-structure/boards-commissions-tribunals/bc-commissioner-for-teacher-regulation/ctr_annual_rpt_2021-2022.pdf
  4. 4 Selon l’article 8.20 du projet de loi, l’entente de règlement par consentement est un moyen de résoudre un dossier disciplinaire. Un règlement par consentement intervient lorsque le commissaire et l’enseignant·e concerné·e s’entendent sur les conséquences adaptées à la situation. La conclusion d’une telle entente élimine la nécessité d’une audience.
  5. 5 Pour un complément d’information, voir : https://www2.gov.bc.ca/gov/content/governments/organizational-structure/ministries-organizations/boards-commissions-tribunals/commissioner-for-teacher-regulation/complaint

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Un mot sur le Centre canadien de protection de l’enfance : Le Centre canadien de protection de l’enfance (CCPE) est un organisme de bienfaisance national qui se consacre à la protection personnelle de tous les enfants. Il veut réduire l’exploitation et les abus sexuels d’enfants et offre à cette fin des programmes, des services et des ressources aux familles, aux éducateurs, aux organismes de services à l’enfance et aux forces policières du Canada ainsi qu’à d’autres intervenants. Cyberaide.ca — la centrale canadienne de signalement des cas d’exploitation et d’abus sexuels d’enfants sur Internet — relève aussi du CCPE, de même que le Projet Arachnid, une plateforme Web qui détecte les images d’abus pédosexuels connues sur le Web ordinaire et le Web clandestin et qui envoie des demandes de suppression à l’industrie.

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